Il est évident que l'expérience du nouveau-né la plus marquante et saisissante d'informations normatives est la découverte de personnes subjectives extérieures (la mère, les proches...) avant même celle de la permanence des objets, et bien avant la reconnaissance de son propre Moi. Cela explique pourquoi la personne constitue un modèle de structures fondamentales autour desquelles s'articule la vie mentale.
Par suite, lorsque surgit dans le champ de ma conscience un fait nouveau, mouvant, évolutif, issu aussi bien de l'extérieur que de mon inconscient, on comprend qu'il met en jeu ce module fondamental de la pensée qu'est la personne. Ce contenu nouveau me frappe comme m'a frappée la personne, il est comparé à une personne et, il est compréhensible qu'il apparaisse aux yeux de ma conscience sous les traits d'une personne.
Les complexes, noyaux idéo-affectifs, qui peuplent notre cosmos inconscient obéissent à la règle; plus ils s'autonomisent plus ils émergent personnifiés. D'autre part en voulant chercher la cause, on projette tous ces complexes personnifiés sur des personnes ou des esprits extérieurs réels ou fantastiques. Tout se qui est dans l'inconscient est projeté ainsi, et donne un sens intuitif à la réalité.
L'inconscient des peuples aussi éloignés les uns des autres présente des analogies qui se manifestent dans la concordance extraordinaire des formes et thèmes mythiques autochtones sous les latitudes les plus diverse. Le fonctionnement mental qui les produit est appelé la psyché collective. Il est, au dessus du socle de la psyché collective universelle, des niveaux de psychés collectives correspondant aux limitations d’un peuple, de la tribu, et de la famille.
La psyché collective embrasse « les parties inférieures » des fonctions psychiques, la part profondément enracinée de la psyché de l'individu, celle qui s'effectue par automatisme, celle héritée et sympathisée, qui est présente et commune en chacun de nous, qui est donc impersonnelle et supra- personnelle.
Au contraire le conscient et l'inconscient personnel (le Soi) embrasse les « parties supérieures » des fonctions psychiques, la part qui a été acquise et développée ontogénétiquement et par le libre arbitre. En se développant, la « ratio » va se mettre à discerner l'incompatibilité des éléments qui s'opposent, inhérente à la psyché collective. La contradiction se fera sentir. De cette connaissance nouvelle naît le combat du refoulement. On veut être bon et c'est pourquoi on se sent obligé de refouler le mal. C'est alors que prend fin le paradis de la psyché collective.
L'individuation, processus de différenciation qui a pour but de développer la personnalité individuelle (le Soi), permet d'éviter les deux cas d'aliénation de Soi-même, à savoir la dépersonnalisation partielle tantôt au profit d'un rôle extérieur (persona), tantôt au bénéfice d'une importance imaginaire (image primordiale).
L'individualisme accentue la prétendue particularité de l'individu en opposition aux devoirs en faveur de la collectivité. Au contraire l'individuation est une prise en considération suffisante des particularités individuelles, permettant d'être mieux adapté dans l'édifice social.
L'énergie de l'inconscient ne peut être soustraite à celui-ci que très partiellement. Il reste toujours actif et efficace, pour l'excellente raison qu'il renferme et constitue lui-même la source de la libido dont émanent les éléments psychiques qui font notre vie.
Aucune expérience humaine n'est possible sans l'adjonction d'une disponibilité intérieure inconsciente. Cette disponibilité consiste en un assemblage d'images virtuelles ou de complexes, qui concentrent en eux l'énergie psychique et qui la véhiculent à travers leurs projections possibles, comme autant de motivations, permettant l'attention, l'analyse et l'assimilation. Tant que ces images virtuelles sont vides de contenu déterminé par le vécu, elles demeurent collectives et inconscientes. Elles acquièrent teneur et influence sur le sujet en se particularisant. Elles acquièrent conscience en tombant en concordance avec une donnée vécue; il se produit en un lieu quasi-géométrique, au point de recoupement de la disponibilité intérieure et du signe extérieur, l'éveil de cette disponibilité de l'inconscient qui se traduit par l'appréhension de la réalité, par la projection de ces images sur cette réalité, par l'adoption de points de vue subjectifs, par l'enthousiasme d’être dans l’action et par l’illusion de la liberté.
La persona est le rôle que l'individu joue dans la société, le masque dans lequel il se glisse. C'est donc le fruit d'un compromis entre l'individu et la société. Le monde produisant les lois morales arbitraires, sollicite insidieusement l'individu à s'identifier avec son masque (sa persona). L'individu s'identifie plus ou moins à sa persona en refoulant tout ce qui la contredit, dans l'inconscient, en un complexe que l'on appelle anima. L'anima est la face cachée de la persona. Elle possède un grand pouvoir de fascination; la connaissance de l'anima donne adaptation et protection contre les puissances invisibles qui vivent en nous. « Mon petit doigt m'a dit... » est l'expression de l'anima
« L'immortalité » désigne une activité psychique qui transgresse les frontières du conscient. « Par-delà la tombe ou la mort » est psychologiquement synonyme de « Par-delà le conscient ». Tout ce qui plonge dans les profondeurs de l’inconscient retourne au collectif. Toute valeur prétendant à l'immortalité s'enracine dans l'inconscient collectif.
Lorsqu’ apparaît la nécessité de dépasser et de surmonter une difficulté insoluble en apparence, le Moi s'épuise dans cette contradiction qu'il chasse par une dissolution de sa persona qui est le plus souvent au cœur de la contradiction ou, s'il n'y arrive pas, par une destruction physique de lui-même (suicide). Ces deux démarches sont identiques ; l'une ouvrant les portes à l'inconscient collectif, l'autre accédant à l'inconscient collectif par-delà la mort.
La dissolution de la persona entraîne une libération et un déchaînement de l'imagination involontaire ; intrusion de l'inconscient collectif dans les hautes sphères de la psyché. L'énergie psychique du Moi, la volonté jusqu'alors dirigeante, s'amenuise dans l'annihilation de pôles antinomiques. Un processus inconscient et impersonnel assumant progressivement la direction, la personnalité consciente, sans trop remarquer ce qui lui arrive, se trouve devenue une pièce, parmi d'autres, sur l'échiquier d'un joueur invisible.
3 cas peuvent se produire :
Le savoir en général, la connaissance du bien et du mal, l'analyse et la prise de conscience de contenus inconscients, l'impression d'avoir ainsi surmonté le conflit moral, donnent pour certains sujets un sentiment de supériorité pour lequel le terme de « ressemblance à Dieu » ne semble pas excessif. Et donne pour d'autres sujets un sentiment désemparé; entre le marteau et l'enclume, vivent et supportent dans la douleur le heurt de principe contradictoires et éternels, ils en sont crucifiés. Ainsi se réalise la « ressemblance à Dieu » dans la souffrance. La superbe des uns ou le découragement écrasé des autres ont en effet un dénominateur commun ; l'incertitude de leurs frontières et de leurs limites due à une extension de la personnalité qui dépasse les limites individuelles.
L'individu qui attribue la psyché collective, qui lui est donnée à priori et à son insu, à son patrimoine acquis ontogénétiquement comme si elle en faisait partie, s'attribue illégitimement des images collectives et agrandit de façon démesurée le périmètre de sa personnalité. La psyché collective constituant les parties inférieures des fonctions psychiques, constituant cette base qui soutient implicitement toute personnalité, son attribution au Moi va l'alourdir et dévaloriser la personnalité, ce qui s'exprimera dans l'inflation, soit par l'écrasement du sentiment de soi-même, soit par une exaltation inconsciente et une mise en évidence du Moi, qui peut alors atteindre à une volonté morbide de domination.
Exemple, le fonctionnaire qui s'identifie à son poste où à son titre; « l’État c'est moi! ». Autre exemple, l'individu qui est fasciné par une connaissance; « le monde est un livre d'image, il suffit de tourner la tête pour voir une nouvelle page! ». L'inconscient collectif contient des foyers d'attirances de grandes puissances insoupçonnées. Comme dans notre premier cas, un individu peut être happé hors de lui-même par les tourbillons du monde et de ses dignités; « Messieurs à présent, je suis roi », de même un être peut tout aussi subitement être happé hors du réel, s'il lui advient d'entrevoir une de ces grandes images, qui l'éblouissent, et qui confère au monde un autre visage, un autre mode d'être.
Ces grandes images sont des « représentations collectives » qui ont des attraits et des puissances magiques, et qui sont aussi bien, sur le plan banal, à la source des « slogans » que, sur les plans sublimes, à la source des expressions poétiques et du langage religieux.
Plus une communauté est nombreuse et coercitive, plus la sommation des facteurs collectifs se trouve accentuée au détriment de l'individu par le jeu des préjugés conservateurs, plus est grandissant le refus et l'impossibilité de voir l'individuel. Dès lors, naturellement seuls prospèrent la société et ce qu'il y a de collectif dans l'individu. Tout ce qu'il y a d'individuel en lui est condamné à être refoulé (dans l'inconscient), négativé.
Plus une organisation est monumentale et soudée, et plus son immoralité et sa bêtise aveugle sont inévitables ; « les sénateurs sont des hommes bons et le Sénat est une bête cruelle ». Plus un corps social est petit et leur membres indépendants, et plus est garantie l'individualité de ses membres, leurs libertés relatives, leurs responsabilités consciemment assumées. Hors de la liberté, point de moralité.
Un individu normalement « adapté » à son entourage, ne sera pas troublé. Les plus grandes folies, les plus grandes infamies commises par son groupe ne l'incommoderont pas et ne troubleront pas, en apparence, la quiétude de son âme, pourvu que la majorité de ses concitoyens et de ses semblables croient à la haute moralité de l'organisation sociale régnante.
Le système représente la persona de la société et, le surréalisme représente l'anima de la société. La connaissance de l'anima donne un grand pouvoir d'émancipation vis à vis des angoisses existentielles, des religions et des idéologies.
Celle qui contient une très grande énergie psychique, une puissance occulte, la composante mana de la personnalité est une des dominantes de l'inconscient collectif ; l'archétype de l'homme fort, le héros, le chef, le magicien, le « médecine-man », le saint, le souverain qui règne sur les hommes et sur les esprits, le roi, l'ami de Dieu. La puissance occulte étant la mieux représentée dans l'image du sorcier. A la figure du sorcier correspond chez la femme une représentation équivalente mais non moins redoutable; c'est la figure à la fois maternelle et souveraine de la Grande Mère universelle qui est pleine de pitié et de miséricorde, qui comprend et pardonne tout, qui à toujours souhaité le meilleur, qui à toujours vécu pour les autres sans se soucier jamais d'elle-même et de ses propres besoins, qui a découvert le grand amour à l'instar du sorcier qui, lui, est détenteur et l'annonciateur de la grande vérité.
Or de même que le grand amour n'est jamais reçu par l'autre ni ressenti à sa juste valeur, de même la sagesse suprême demeure incomprise.